BACH METAMORPHOSES
Prise de son 10/10 – Livret 9/10 – Intérêt du répertoire 10/10 – Qualité de l’interprétation 10/10
Orchestrer, arranger et s’approprier l’oeuvre d’un autre, plus encore lorsque cet autre est Jean-Sébastien Bach, génie intouchable de la culture musicale occidentale, peut soit s’apparenter à un acte complètement iconoclaste (et, pour certains, tous les arrangements procèdent inexorablement, par principe, de cette catégorie) soit révéler l’intemporalité et l’incroyable qualité compositionnelle de la pièce originale.C’est heureusement à cette seconde alternative qu’appartiennenet les transcriptions rassemblées dans cet enregistrement, réalisées par des chefs d’orchestre et compositeurs surtout actifs au XXe siècle qui exploitèrent au mieux la diversité et l’opulence orchestrales à leur disposition afin de «colorer» les partitions du Maître. Ainsi, la superbe Toccata et fugue en ré mineur revue par Stokowski voit son dramatisme et sa grandiloquence décuplés par l’usage ample des cordes et des cuivres; la «Ricercata» de L’Offrande musicale, connue pour son austérité, est considérablement enrichie par Webern qui lui donne une seconde vie en la soumettant au principe de la Klangfarbenmelodie; la Fugue à la gigue d’après la Fugue en sol majeur pour orgue est maniée délicatement par Holst jusqu’à la catharsis.
D’autres transcriptions se veulent plus baroquisantes, tels le léger et virtuose Concerto italien en fa majeur orchestré par Talmi et la suite de ballet The Wise Virgins arrangée par Walton d’après des cantates et un choral. L’Orchestre symphonique de Québec sous la direction de Yoav Talmi, qui avait tenté pareille expérience avec Claude Debussy en janvier 2007, exulte dans ce répertoire. Il parvient à trouver et à conserver un équilibre peu évident entre la finesse, la densité et la transparence de l’écriture de Bach et le style propre aux différents orchestrateurs, sans aucune trahison et en évitant de s’embourber dans une verve trop romantique pas si lointaine. Un régal à déguster sans réserve.
Carine Seron, Crescendo, No 96.