Il y a dix ans, Alexander Weimann n’aurait jamais pu imaginer que la vie le mènerait là où il est aujourd’hui. Devenir le chef d’un orchestre canadien ne faisait pas partie de ses plans initiaux. C’est pourtant ce qui l’a conduit vers sa récente nomination à titre de directeur artistique du Pacific Baroque Orchestra (PBO). Si Weimann s’est bâti une solide réputation en tant qu’interprète de musique baroque, il est également un directeur d’ensemble, un soliste et un musicien de chambre recherché.
Né à Munich, ce claveciniste a suivi une formation plutôt éclectique, comprenant des leçons de chants médiévaux et grégoriens, ainsi que des cours de théâtre et de musique jazz. Dès la fin des années 1990, il enseignait et donnait des ateliers de maître partout en Allemagne, en Suède et dans beaucoup d’universités américaines et canadiennes.
Mais c’est le destin qui a amené Weimann au Canada pour la première fois en 2001, à l’occasion d’un concert qu’il donnait avec le Tafelmusik Baroque Orchestra à Toronto. Lors du même voyage, il est passé par Montréal, où il a fait la connaissance de Chloe Meyers alors qu’il enregistrait, avec la soprano Suzie LeBlanc, le Gloria de Handel, son premier disque chez ATMA. « C’est le travail qui m’a conduit ici, mais c’est par amour que je suis resté puisque, lors de l’enregistrement de l’album, j’ai fait la connaissance de cette mystérieuse violoniste qui allait devenir ma femme », affirme Weimann. Il a donc fini par quitter Berlin pour venir s’installer à Montréal, où il habite toujours. Aujourd’hui, il a deux enfants, et il vient d’être nommé directeur artistique du Pacific Baroque Orchestra.
Alexander Weimann a été très en demande au cours des dernières années; non seulement a-t-il souvent été soliste avec des ensembles tels que Les Violons du Roy, Les Boréades, le Cantus Cölln, le Tafelmusik Baroque Orchestra, le Freiburger Barockorchester ainsi que le Gesualdo Consort, mais il a également agi, pendant nombre d’années, à titre de chef invité pour des orchestres renommés tels que ceux d’Amsterdam, de Basel et de Hambourg. De plus, il a dirigé des opéras, dont le Pygmalion de Rameau, dans le cadre du Vancouver Early Music Festival.
Jusqu’à maintenant, Weimann a enregistré neuf albums chez ATMA. Le plus récent, le Clavierübung II de Bach, donne aux auditeurs une idée de sa façon d’interpréter la musique de ce grand maître. De plus, il doit bientôt enregistrer, toujours chez ATMA, La Passion selon Saint Jean de Bach, un projet qu’il chérit depuis longtemps.
Récemment, Weimann est retourné vers le piano jazz, faisant ainsi écho à une période d’une durée de cinq ans, vers la fin des années 1980, pendant laquelle il avait enregistré plusieurs albums jazz et même une vidéo pour l’émission Showcase, présentée à CBC. Il voit de nettes ressemblances entre la musique baroque et le jazz : « La syntaxe et la grammaire de ces deux genres musicaux sont très similaires, même si, bien entendu, le vocabulaire, lui, est différent », dit-il. Malgré qu’il lui soit difficile de choisir entre tous les pianistes de jazz pour nommer ses favoris, il indique que Herbie Hancock, Keith Jarrett, Kenny Kirkland, Lyle Mays, Oscar Peterson et Jason Rebello font certainement partie de sa liste.
Les fréquents allers-retours entre Montréal et Vancouver sont exigeants pour Meyers (qui fait également partie du PBO) et Weimann, mais ce dernier se sent quand même très à l’aise dans son pays d’adoption. Le couple a dû apprendre à s’organiser pour être efficace et s’assurer de passer du bon temps en famille. « Parfois, mon cœur se brise quand je dois quitter mes enfants endormis dans leur lit pour prendre un avion au petit matin, beaucoup de parents doivent savoir de quoi je parle. Mais je suis d’autant plus heureux de les retrouver quand je rentre de voyage. Le texte du vieux madrigal Anchor che col partire est bien vrai. »
Cuisinier passionné, Weimann considère le fait de préparer un repas pour sa famille comme un geste d’amour et comme la meilleure façon de terminer une journée. Comme c’est le cas pour la musique, il aime reproduire de mémoire certaines recettes traditionnelles, mais il lui arrive aussi d’improviser. N’est-ce pas là un mode de vie idéal ?
Par Luisa Trisi, traduit par Mélissa Proulx