Pour Catherine Perrin, la rentrée cette année est tout sauf ordinaire. La claveciniste aux multiples talents est l’animatrice bien en vue de la nouvelle émission Médium large à la Première Chaîne de Radio-Canada en plus de voir le lancement de son nouvel enregistrement ATMA, Dandy, réalisé avec ses deux compères de l’ensemble Bataclan.
Comme claveciniste, Catherine Perrin s’est produite avec l’Ensemble contemporain de Montréal, les Vents de l’OSM, Les Violons du Roy et, de façon plus notable, avec I Musici de Montréal. Avec ces derniers, elle a enregistré des œuvres qui dépassent le répertoire habituel du clavecin, par des compositeurs tels Alfred Schnittke, Edison Denisov et Henryk Górecki. « Depuis l’âge d’environ 18 ans, nous raconte-t-elle, j’ai toujours été très ouverte à jouer un répertoire très varié au clavecin. Je me prêtais volontiers à interpréter des pièces d’étudiants en composition au conservatoire, puis à l’université, je me suis beaucoup impliquée dans des expériences de théâtre musical. J’ai toujours été curieuse de ce que pouvait faire le clavecin au-delà de la musique baroque. » En effet, son tout premier enregistrement ATMA, 24 Préludes, voit se côtoyer des pièces de quatre compositeurs contemporains et des œuvres de Rameau, Bach et Couperin.
L’instinct de collaboration de Catherine Perrin en a fait un choix tout naturel, bien qu’inusité, pour le trio montréalais Bataclan, qui marie la sonorité distincte du clavecin avec le basson de Mathieu Lussier et le bandonéon de Denis Plante. « Mathieu a été interpelé par mes interprétations d’Astor Piazzolla à deux clavecins, en concert avec l’Argentin Mario Raskin. Au clavecin, on entend bien les harmonies du tango, mais on y perçoit aussi avec beaucoup de clarté et de précision ses rythmes typiques. On dit souvent que le clavecin a des dents — il peut vraiment mordre dans les accords! »
La curiosité de Mathieu s’est vu récompensée quand il a invité Catherine à venir improviser avec Denis Plante et lui. La musique baroque n’a pas semblé convenir à cet assemblage d’instruments et on lui a tout de suite préféré le tango et autres musiques latino-américaines, ce qui se retrouva sur le premier disque éponyme de Bataclan. Paru en 2009, il a immédiatement attiré l’attention des critiques, dont l’un l’a qualifié de « cadeau précieux » (Le Journal de Montréal).
Le second opus du trio, Dandy, évoque l’atmosphère « fin d’époque » de Paris, Londres et Berlin à l’aube du 20e siècle. Plante et Lussier ont composé des musiques qui s’inspirent de deux figures marquantes de l’époque : Oscar Wilde — l’un des dandys les plus notoires — et Édouard VIII, qui abdiqua le trône pour épouser Wallis Simpson. Leurs œuvres respectives, Tales for Oscar Wilde et Suite Edward & Wallis, se retrouvent avec un choix éclectique de pièces par Chostakovitch, Carlos Gardel et Kurt Weill.
L’une des petites gâteries du disque est une pièce nommée Happy Hours, composée par Madame Agnès Beïque-Demers, la grand-tante du père de Catherine Perrin. « Elle était une pianiste talentueuse, semble-t-il. On raconte qu’elle a dû une fois remplacer au pied levé la pianiste régulière lors d’un récital avec violon au Lady’s Morning Musical Club. Elle n’a eu d’autre choix que de déchiffrer la musique le jour même du concert. »
Aussi à l’aise devant la caméra de télévision que derrière le micro de la radio, Catherine Perrin a animé et réalisé des reportages pour plusieurs émissions, dont Le Septième à Télé-Québec, gagnant de cinq Prix Gémeaux, et C’est bien meilleur le matin, la grande émission matinale de la Première Chaîne de Radio-Canada.
Maintenant qu’elle ajoute à son emploi du temps l’animation d’une émission radiophonique de deux heures cinq jours par semaine, on lui demande régulièrement comment elle peut mener de front sa double carrière. « Je dis souvent que l’équilibre doit se faire entre qualité et quantité. J’essaie d’établir cet équilibre entre la musique que je fais et la quantité de projets médiatiques que j’accepte. Pour la saison qui vient, j’ai donc dû choisir seulement deux grands projets musicaux : la tournée que j’effectuerai avec Bataclan dans la région montréalaise et Les Fables de La Fontaine, un théâtre musical avec Les Violons du Roy à Québec. Ça fait quelques années déjà que je fais ce projet et je m’y retrouve particulièrement, car j’y joue à la fois une sorte de narratrice et une claveciniste. »
« C’est important pour moi de toujours avoir à l’horizon un projet musical, un but, un objectif à atteindre, sinon ce serait trop facile de simplement laisser tomber. C’est si facile d’être avalée par la préparation d’une émission quotidienne — c’est une grosse machine qui demande beaucoup d’énergie. Maintenant je sais qu’avec une émission quotidienne, il faut que je sache m’arrêter parfois et prendre une bonne respiration. »
Tout un jeu d’équilibriste!
© Luisa Trisi, 2011
Traduction : Jacques-André Houle