Le baryton Dominique Côté est reconnu pour sa voix souple et ses interprétations émouvantes. Son répertoire vaste et varié le mène à chanter en Europe, aux États-Unis et au Canada, sous la direction de chefs réputés tels que Kent Nagano, Christophe Rousset et Jacques Lacombe. Il a notamment chanté dans Les feluettes ou La répétition d’un drame romantique (Edmonton Opera), dans La chauve-souris (Genève et Montréal), dans l’opéra Nelligan, ainsi que dans plusieurs concerts de l’Orchestre symphonique de Montréal.
Dominique fait ses débuts chez ATMA Classique avec Amour et Fantaisie : mélodies de Lionel Daunais, un portrait qui rend hommage à un artiste unique dans le paysage musical canadien. Amour et Fantaisie sera lancé le 11 février 2022.
Nous avons récemment rencontré Dominique pour discuter de sa carrière et de son affinité avec la musique de Lionel Daunais.
Comment avez-vous découvert que vous étiez particulièrement doué pour le chant?
DC : J’ai toujours chanté. Ma mère dirigeait la chorale de mon village natal (Notre-Dame-du-Rosaire). J’ai commencé à chanter des solos à l’église dès mon plus jeune âge. Ensuite, j’ai fait de la musique et du chant choral au secondaire, et j’étais aussi dans la troupe de théâtre de l’école. Je participais à absolument tous les spectacles possibles, à l’école et dans ma région. Mon désir de faire de la scène était très intense, et je prenais les choses très au sérieux.
Non seulement vous êtes baryton, mais vous êtes aussi un acteur de talent, sur scène comme à la télévision. Avez-vous déjà eu à choisir entre les deux?
DC : Pas vraiment. Tout s’est fait naturellement, au gré des contrats et des rencontres. Il y a eu des années où le chanteur était beaucoup plus occupé que l’acteur, et vice versa. Je n’ai jamais eu de plan de carrière : j’aime la diversité, toucher à plein de genres, de styles. En une semaine, je peux répéter un concert avec l’OSM, enregistrer des voix pour des personnages de dessins animés, jouer un rôle pour le tournage d’une série et faire une audition pour un opéra baroque, et j’adore ça! Ça mélange un peu les gens, mais je crois qu’avec le temps, c’est devenu ma force. Pour moi, tous ces univers se nourrissent entre eux et constituent un seul et même métier : celui d’interprète. Que ce soit pour chanter ou pour jouer un rôle, dans un opéra ou dans une comédie musicale, sur scène ou à l’écran, je suis un interprète au service de l’œuvre.
D’où vous est venue l’idée de consacrer un album entier à la musique de Lionel Daunais? Qu’est-ce que sa musique a de spécial pour vous? Et devrions-nous porter attention à quelque chose en particulier, sur cet album?
DC : Dès que j’ai découvert la musique de Daunais, j’ai voulu l’enregistrer. C’est un artiste qui me ressemble : éclectique, qui touche à plein de styles, qui ne se prend pas au sérieux mais fait les choses sérieusement, qui aimait le théâtre, les personnages, la scène. J’avais l’impression que je pouvais apporter ma touche personnelle à sa musique. J’aime raconter des histoires en musique, mettre le texte en valeur, chanter de la façon la plus simple possible pour laisser toute la place aux mots et à la musique. Et je trouvais inconcevable qu’aucun enregistrement de sa musique ne soit disponible! C’est un musicien qui mérite amplement d’être redécouvert (car il était très populaire de son vivant). J’espère même pouvoir enregistrer une autre partie de son œuvre, qui est considérable, et tellement diversifiée. Entre La Tourtière, L’Astronome et Tout à perdre, il y a un monde! On dirait trois compositeurs différents! J’espère que les gens seront touchés par la douce mélancolie de ses chansons d’amour et qu’ils souriront en entendant ses histoires drôles et cocasses. Les mélodies sont belles et accrocheuses; il y a de nombreux vers d’oreilles dans la musique de Daunais! Mais il faut aussi porter attention aux textes, car très souvent, les pièces de Daunais sont de véritables petits scénarios de films.
Dans le livret du disque, vous remerciez spécialement votre premier professeur de chant, Lucette Tremblay, et mentionnez qu’elle a changé votre vie en vous prenant sous son aile. De quelle manière a-t-elle changé votre vie? Quel rôle a-t-elle joué dans votre carrière de chanteur?
DC : Sans Lucette, je ne sais pas où je serais. Car j’en suis venu au chant classique par accident. Bien que j’aie toujours chanté, je n’avais jamais suivi de cours de chant, et je ne connaissais rien au chant classique et à l’opéra. En 2002, je me suis gravement blessé la voix en jouant comme comédien : j’ai été muet pendant trois mois, et j’ai dû être opéré aux cordes vocales. L’ORL qui m’a soigné (merci Dr Guertin!) m’a tout de suite dit que je ne pourrais pas poursuivre ma carrière d’acteur si je n’étais pas plus sérieux et ne me trouvais pas un excellent professeur de chant. Et c’est là que Lucette est arrivée dans ma vie. Elle n’avait plus de place dans son studio, mais elle a dû avoir pitié de moi : elle m’en a fait une! Je la voyais tous les jours au début, car je revenais de loin. C’était un peu comme réapprendre à marcher. Puis, assez rapidement, elle m’a fait découvrir une voix que je ne connaissais pas; elle a mis tout un monde musical à ma portée. Elle a complètement changé ma vie, et elle a été d’une générosité incroyable. Elle est malheureusement très malade, maintenant. Ça me rend triste qu’elle ne puisse plus assister à mes concerts. C’était une critique sévère, mais toujours juste et bienveillante.
Vous remerciez également Louise Grenier, la fille cadette de Lionel Daunais, pour le soutien qu’elle vous a apporté. De quelle façon vous a-t-elle aidé dans la préparation de votre album?
DC : Elle m’a donné beaucoup d’information sur la vie de son père : comment il écrivait, à quel point c’était un acteur formidable sur scène, combien le jeu et le texte étaient importants pour lui. J’ai aussi eu accès à certaines archives, qui me serviront également pour les concerts à venir. C’est formidable de pouvoir discuter avec la fille du compositeur : c’est assez rare!
Si vous n’aviez pas pu faire carrière en musique, quel métier feriez-vous aujourd’hui, selon vous?
DC : Évidemment, il a toujours eu le théâtre et les rôles de comédien. Mais sans les arts, je ne sais pas ce que je ferais… Je ne sais rien faire d’autre! J’ai toujours travaillé fort, et je me suis toujours considéré privilégié de pouvoir vivre de mon art. J’adore le ski et la cuisine, les chiens et les chevaux, les bandes dessinées et les jardins de fleurs, alors j’aurais peut-être fait quelque chose de ce genre comme métier.
Parmi les projets qui s’en viennent, quels sont ceux qui vous emballent le plus?
DC : Il y a évidemment les spectacles qui suivront la sortie de l’album : j’ai très hâte de chanter cette musique sur scène. Aussi, un peu plus tard dans l’année, il y aura la sortie de l’enregistrement intégral de l’opéra Nelligan, réalisé par ATMA également : un rôle très important dans ma vie, qui me tient à cœur, et que j’ai interprété très souvent. Ensuite, je chanterai pour la première fois avec Les Violons du Roy, un orchestre que j’admire beaucoup. Leur invitation me fait très plaisir, d’autant plus que j’adore chanter de la musique baroque et que ma voix s’y prête de mieux en mieux. Finalement, je travaille présentement à la création d’un opéra sur une pièce de Michel Tremblay avec le compositeur Christian Thomas. C’est toujours très excitant, les créations. On est dans l’inconnu, et ça donne une grande liberté d’interprétation.
Propos recueillis par Luisa Trisi, Big Picture Communications
Traduction française par Traductions Crescendo