Musique au temps de la pandémie: Marie Nadeau-Tremblay, violon
ATMA discute avec des musiciennes de leur vie au temps du coronavirus. Notre série d’entretiens se poursuit, cette fois avec Marie Nadeau-Tremblay, violoniste et directrice artistique du trio Les Barocudas.
Récipiendaire de nombreux prix et bourses de l’Université McGill, et quatre fois lauréate du prestigieux prix Mary McLaughlin, Marie a également reçu une bourse de Early Music America en 2017. En 2019, elle a été inscrite à quatre reprises au tableau d’honneur du Concours international de musique ancienne Mathieu Duguay – pour le premier prix, le prix du public, le prix du Festival Montréal Baroque et le prix Été musical de Barachois. Reconnu pour son approche rafraîchissante et non conventionnelle de l’interprétation de la musique ancienne, son trio Les Barocudas fait ses débuts discographiques sur ATMA Classique le 9 octobre 2020 avec La Peste, un voyage musical qui explore le thème de la Grande Peste.
Quelle était votre dernière prestation en salle avant le début du confinement?
C’était en mars avec mon trio, les Barocudas. Nous venions tout juste de finir d’enregistrer notre disque La peste avec ATMA sur les compositeurs morts de la peste au XVIIe siècle, et donc ce concert était également sur ce thème. C’était vraiment étrange de présenter cette musique au public, alors que la pandémie de la COVID-19 commençait à devenir une véritable menace ici. Nous savions déjà tous à ce moment-là que ce serait notre dernier concert avant longtemps, et nous avons joué avec tout notre cœur!
En quoi votre routine quotidienne a-t-elle changé au cours de la pandémie?
Avant la pandémie, je n’avais pas de routine quotidienne car je sautais constamment d’un projet à l’autre tout en travaillant 3 soirs par semaine comme placière et barmaid à la Maison Symphonique. Chaque jour était différent, mais j’étais toujours très occupée. Depuis la pandémie, c’est le calme plat! Au début, ce fut difficile parce que j’adore mon travail et j’avais une vie très active qui me rendait heureuse. Mais après un mois d’isolement, j’ai commencé à trouver de la motivation ailleurs.
Quel aspect trouvez-vous le plus difficile dans cette nouvelle réalité que nous vivons tous?
Ça faisait un an que j’avais gradué de l’université McGill, et un an que j’étais indépendante financièrement. Ma carrière commençait à prendre son envol, et le plus dur fut de devoir tout arrêter, et se questionner par rapport au futur. Quand pourra-t-on reprendre nos activités comme avant, et regagner la scène devant une salle pleine? Prendre une pause, faire autre chose, ce n’est pas difficile, mais l’incertitude face à la validité et la durabilité de notre métier, ce l’est. Heureusement, j’ai quelques beaux projets qui s’en viennent grâce à des collègues qui travaillent très fort pour créer du travail.
Comment vous occupez-vous depuis l’interruption des concerts en salle?
Moi et mon chum, Christopher Price, qui est aussi musicien, avons déménagé chez mes parents au début de la pandémie parce que nous avions peur que les bruits de violon, trompette et cor pendant les longues heures de pratique ne dérangent nos voisins. Chez mes parents, nous avons occupé nos journées à nous baigner dans la piscine, à jouer au badminton, et à pratiquer. Personnellement, j’ai aussi recommencé à dessiner beaucoup, et j’en ai profité pour rafraîchir mon chinois mandarin, que je n’avais plus étudié depuis longtemps après avoir pris trois ans de cours intensifs à McGill.
Vers quelle musique vous tournez-vous le plus souvent depuis l’éclosion de la pandémie?
Au début, j’étais un peu au désarroi car la longue liste de projets pour lesquels je devais préparer de la musique n’existait plus, et je me suis retrouvé devant rien. Mais très vite, c’est devenu super motivant de pouvoir explorer le répertoire et lire beaucoup de musique que je n’avais jamais jouée, et ce, simplement pour le plaisir. Quant à la musique que j’écoute, récemment, il y a 4 CD qui jouent en boucle : la musique traditionnelle chinoise pour pipa jouée par Liu Fang, les variations Goldberg jouées par Keith Jarrett, les mazurkas de Chopin jouées par Arturo Benedetti Michelangeli, et les chansons traditionnelles japonaises « Mother’s Songs » avec le contre ténor Yoshikazu Mera.
Cette période d’isolement a-t-elle eu de bons côtés ou des avantages imprévus pour vous?
J’en ai profité pour réformer ma technique au violon. C’est un travail lent et assidu, alors c’était le moment rêvé pour le faire.
Auriez-vous un conseil à nous donner pour nous aider à traverser cette période d’incertitude?
Il faut à tous prix continuer de créer, et ne pas douter de l’importance de l’art. Pour soi, et pour les autres, il faut continuer de donner.
Propos recueillis par Luisa Trisi, Big Pictures Communications