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Pleins feux sur Lisette Canton

La musique en temps d’arrêt avec Lisette Canton:

ATMA parle avec des musiciens à propos de leur vie au temps du coronavirus.

Notre série d’entretiens avec des musiciens pendant la pandémie se poursuit, cette fois avec la cheffe de chœur et la directrice artistique du Ottawa Bach Choir (Chœur Bach d’Ottawa), Lisette Canton. Le dernier enregistrement ATMA de l’ensemble, Handel, Bach et Schütz, a été nommé pour un prix JUNO 2020 pour l’album classique de l’année – interprétation vocale ou chorale, et a récemment été choisi meilleur enregistrement choral aux National Choral Awards 2020. Nous nous sommes entretenus avec Lisette Canton en juin 2020.

1. Quelle a été votre dernière prestation en salle avant le début du confinement?
Ma dernière prestation en public a eu lieu le samedi 7 mars, avec le Chœur Bach d’Ottawa. Nous avons interprété Le génie de Josquin, et nous nous préparions à aller la semaine suivante au gala des Prix Juno 2020, où notre album, Handel : Dixit Dominus; Bach & Schütz : Motets, sous étiquette ATMA Classique, était en nomination pour le prix de l’album classique de l’année dans la catégorie Musique vocale ou chorale. Le confinement a été décrété alors que plusieurs d’entre nous étaient déjà en route ou se préparaient à partir pour Saskatoon. Après cela, les annulations se sont succédé en cascade : nous avons dû annuler notre concert préparatoire de mai à cause de l’annulation de notre tournée au Bachfest Leipzig et au Bach Pilgrimage Tour en Allemagne, prévue pour juin et heureusement reportée à 2022. Nous étions aussi censés nous produire en juillet au Festival choral international de Chine, qui a évidemment été annulé lui aussi. Après avoir reçu tant de bonnes nouvelles en 2020 et préparé toutes ces tournées et prestations merveilleuses, nous avons été dévastés par cette situation.

2. En quoi votre routine quotidienne a-t-elle changé au cours de la pandémie?
Je me suis sentie paralysée pendant la première partie du confinement; j’espérais pouvoir reprendre mes activités assez rapidement par la suite. Quand il est devenu évident que les problèmes n’allaient pas se résoudre aussi facilement que nous l’avions tous espéré, le Chœur a commencé à produire une série de vidéos virtuelles, d’abord à la demande du Bachfest Leipzig, qui voulait que nous chantions pour le Vendredi saint, dans le cadre de l’exécution de la Passion selon saint Jean de Bach. Après cela, nous avons commencé (et nous continuons) à produire diverses vidéos virtuelles, dont quelques-unes ont été envoyées par notre gouverneure générale en guise de message de réconfort aux travailleurs de première ligne de la santé, partout au Canada, ainsi qu’aux ambassades canadiennes du monde entier. Ces vidéos ont permis au Chœur de continuer à faire de la musique ensemble, mais différemment. Comme pour tout le monde, cependant, mes activités quotidiennes normales ont changé du tout au tout, mais je fais de mon mieux pour garder un état d’esprit positif.

3. Quel aspect trouvez-vous le plus difficile dans cette nouvelle réalité que nous vivons tous?
Je trouve extrêmement difficile de devoir m’abstenir de faire de la musique en personne et trouver des moyens créatifs de soutenir mes collègues pendant cette période éprouvante. De plus, normalement, je voyage beaucoup, et l’obligation de rester sédentaire me tombe un peu sur les nerfs! Aussi, la recherche d’information fiable sur les moyens et le moment de reprendre notre travail est une source de frustration. Ce problème touche les prestations en public, bien sûr, mais aussi l’enseignement. À titre de directrice de la musique chorale à l’Université York, il m’a fallu concevoir de nouvelles façons de donner mes classes de chant choral et de direction chorale en ligne, en vue du trimestre d’automne. En revanche, le confinement m’a libérée de mon horaire habituellement très chargé et m’a donné le temps de renouer avec des proches et de considérer d’autres moyens de mettre en œuvre une nouvelle vision.

4. Comment vous occupez-vous depuis l’interruption des concerts en salle?
Quand il est devenu évident qu’une grande partie de nos activités d’ensemble devraient désormais se faire en ligne, du moins à court terme, je suis passée à la vitesse supérieure et je me suis préparée à ce nouveau mode de performance et de diffusion. Je pense que nous avons tous dû apprendre rapidement à utiliser l’éventail des technologies disponibles afin de nous assimiler au monde numérique. La courbe d’apprentissage est raide, mais je m’améliore graduellement. Je prépare aussi des projets en fonction de scénarios variés, pour le moment où nous pourrons reprendre le cours normal de nos activités. C’est un défi que de demeurer aussi active que je l’étais avant le confinement : j’ai transféré ma routine d’exercices en ligne, je pratique le piano et la voix, et je consacre beaucoup de temps à la cuisine et à la lecture.

5. Vers quelle musique vous tournez-vous le plus souvent depuis l’éclosion de la pandémie?
À divers stades de ma vie, je me suis toujours tournée vers Bach, car sa musique nous rejoint à une foule de niveaux différents : musical, intellectuel, émotionnel, spirituel. Sa musique a été une grande source de réconfort et de paix pendant cette période difficile. Et avec tous nos projets de tournée, nous avions beaucoup d’œuvres de Bach en préparation! Mais j’écoute aussi beaucoup d’autres œuvres baroques jouées par divers collègues, pour les soutenir et pour me donner une impression de clarté malgré notre époque chaotique.

6. Cette période d’isolement a-t-elle eu de bons côtés ou des avantages imprévus pour vous?
La recherche de moyens d’aller de l’avant m’a amenée à participer à une foule de réunions Zoom avec des collègues de partout au Canada et dans le monde! C’est formidable de garder le contact et aussi de se faire de nouveaux amis. Je perçois un véritable sentiment communautaire, car, si on peut dire, nous sommes tous dans le même bateau. Nous avons dû naviguer d’une voix unifiée sur des eaux très troubles et assurer un leadership, en particulier dans le monde choral canadien. J’espère que cet élan se poursuivra, même quand nous serons sortis du stade initial de la pandémie! Également, Canada Choral a décerné au Chœur Bach d’Ottawa le prix du meilleur enregistrement choral de 2020 pour le même album en nomination aux prix Juno, ce qui a vraiment aidé à nous remonter le moral!

7. Auriez-vous un conseil à nous donner pour nous aider à traverser cette période d’incertitude?
J’ai vécu des émotions en montagnes russes pendant cette période difficile, mais je me suis efforcée de maintenir un sentiment fondamental d’espoir, d’optimisme et d’amour de mon métier, et d’en faire un principe directeur pour aller de l’avant. J’essaie aussi de lire tout ce que je peux au sujet de la pandémie dans plusieurs pays, dans toutes les langues possibles. Cela m’a aidée à comprendre son impact sur les arts, ainsi que les efforts mis en œuvre par d’autres pays et organismes pour s’en sortir. J’espère que nous émergerons de tout cela avec un surcroît de vigueur, de résilience et de solidarité.

Luisa Trisi, Big Picture Communications
Traduction française : Louis Courteau