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Pleins feux sur Mathieu Lussier

La musique au temps d’arrêt : des musiciens parlent de leur vie pendant la pandémie de COVID-19: Mathieu Lussier

1. Quelle a été votre dernière prestation en salle avant le début du confinement?
Le 12 mars dernier, en compagnie de mes merveilleux amis et collègues de Pentaèdre, nous étions en concert avec Les Violons du Roy au Palais Montcalm de Québec. J’avais le privilège de jouer, de diriger et de faire jouer une de mes œuvres dans ce programme dans lequel les musiciens de Pentaèdre étaient solistes. Juste avant le concert de 14h, nous avons entendu le premier ministre nous dire que les rassemblements de plus de 250 personnes ne seraient plus autorisés…juste avant une des dernières pièces, Louis-Philippe Marsolais, notre corniste, m’a glissé lors d’une sortie de scène : « profites-en, c’est probablement ton dernier concert pour un bout… »

2. En quoi votre routine quotidienne a-t-elle changé au cours de la pandémie?
En fait, j’ai maintenant une routine quotidienne, ce que je n’avais pas avant la pandémie! Je travaille de la maison, j’essaie de faire une pause sur l’heure du midi pour faire une courte promenade, j’essaie de faire de l’exercice à la fin de chaque journée. Je dois reconnaître que ce rythme de travail à la maison ne me déplaît pas…

3. Quel aspect trouvez-vous le plus difficile dans cette nouvelle réalité que nous vivons tous?
Je trouve difficile d’imaginer la suite des choses. Il faut, nous le réalisons de plus en plus, renoncer à penser qu’un retour au monde d’hier est possible à court et même moyen terme. Il faut penser la suite sans connaître les règles de cette suite. Il faut élaborer plusieurs scénarios tout en sachant que nous n’avons les leviers pour les mettre en action. C’est vraiment particulier, pas évident du tout…

4. Comment vous occupez-vous depuis l’interruption des concerts en salle?
Je suis également professeur d’université et depuis l’été 2019, vice-doyen à la Faculté de musique de l’Université de Montréal. J’ai donc à ce titre été plongé dans une gestion de crise extrêmement intense, avec des réunions quotidiennes visant à prendre le virage numérique de l’enseignement en quelques jours seulement pour sauver le trimestre de nos étudiants. J’ai depuis des années ces deux volets à ma carrière, par moments difficilement conciliables. L’interruption des concerts a créé un grand vide artistique mais l’agenda s’est très rapidement rempli avec d’autres choses, la nature ayant horreur du vide….

5. Vers quelle musique vous tournez-vous le plus souvent depuis l’éclosion de la pandémie?
J’écoute beaucoup plus de musique depuis les débuts de la pandémie. Mon dernier concert présentait de la musique de l’anglais Gerald Finzi, sa magnifique et suave romance pour cordes et les bagatelles pour clarinette. Comme j’ai toujours en tête la musique de mon dernier programme, j’ai passé plusieurs jours, quelques semaines en fait dans cet univers romantique anglais….depuis, quelques découvertes magnifiques au disque : Mélisande Corriveau et Eric Milnes avec un autre chef-d’œuvre consacré cette fois-ci à Marin Marais. Le dernier disque de Jean Rondeau avec Thomas Dunford. Le dernier disque de l’ensemble Jupiter, dirigé par ce même Thomas Dunford et aussi une découverte surprenante suggérée par mon ami Martin Carpentier, clarinettiste de Pentaèdre, des concertos de Vivaldi reconstruits à partir d’airs d’opéra joués à la clarinette par Martin Fröst avec Concerto Köln.

6. Cette période d’isolement a-t-elle eu de bons côtés ou des avantages imprévus pour vous?
Bizarrement, bien que surchargé par mon travail administratif à la Faculté de musique, j’ai été habité d’un besoin de créer et de faire de la musique. J’ai repris mon basson pour le plaisir bien plus régulièrement que dans des temps plus normaux, j’ai un nouveau projet de disque solo, j’ai lancé un projet de recherche sur la symphonie pour vents de la révolution française, fait de la peinture, j’ai écrit un nouveau quintette à vent, un duo pour basson et violoncelle et surtout, j’ai réalisé pleinement, physiquement, combien j’aime faire de la musique.

7. Auriez-vous un conseil à nous donner pour nous aider à traverser cette période d’incertitude?
Prendre le temps de souffler. Écouter beaucoup de musique. Marcher sur le bord de l’eau (la rivière des prairies est magnifique à la fin d’une journée de printemps). Penser à des projets de façon plus abstraite et en prenant le temps de le faire bien.

Propos recueillis par Luisa Trisi, Big Picture Communications

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